Séminaire

La voix chantée. Une approche anthropologique

Organisateur : Maria Manca
Lieu : Université Paris-Diderot
INFORMATION ET CONTACT : Maria Manca

Pourquoi et comment chante-t-on à travers le monde? et en particulier, avec quelle voix?

Le chant fait entendre une infinie variété d’expressions qui utilisent autant de techniques vocales: voix hyper-grave des moines tibétains ou suraiguë de l’opéra de Pékin; voix « noire » du flamenco et mélismatique des pays arabes; voix “projetée” ou “masquée”; a cappella ou accompagnée, en polyphonie, etc…

À partir des données articulatoires et acoustiques de la voix (tessiture, timbre, souffle), sera établie une description typologique de la voix chantée, et plus largement, sera étudié le “geste vocal” impliquant tout le corps et révélant la personnalité du chanteur.

On se demandera ensuite ce qu’est une belle voix dans une culture donnée. À travers quelques exemples monographiques et documents de terrain, comme ceux sur le flamenco, la voix arabe et le theâtre Nô, on dégagera la notion de “voix culturelle” procédant d’une esthétique qui met en jeu des valeurs sociales et symboliques.

Mais chanter n’est pas parler, et on ne chante pas dans n’importe quelle situation. Ainsi on dit en chantant ce qu’on ne dirait pas en parlant. Une étude des textes et des contextes de chant permettra d’interroger – à travers la voix – les rapports qu’entretiennent parole et musique, (métrique, forme, répétition, symétrie etc.).

In fine, il sera montré que la voix chantée dit et se dit. Elle est une clé d’accès à la culture qui la porte et qu’elle porte.

Séminaire M1- M2 – Année 2017-2018

Séances

07 NOV..
2017
10h - 12h

La tragédie grecque comme drame chanté: genre choral, forme hymnique, pragmatique

Dans le cadre du séminaire "Voix chantée. Une approche anthropologique", Claude Calame interviendra autour de son dernier ouvrage, La tragédie chorale, Poésie grecque et rituel musical. Discutant: Maxime Pierre – Paris Diderot Grands Moulins-salle 785

Pendant tout le XXe siècle et encore à l’orée du XXIe, les approches de la tragédie
notamment en France, sont marquées par la vaine recherche d’une définition du héros tragique (au masculin) et par la quête romantique d’une essence du « tragique ».
En général implicitement, ces tentatives ontologisantes sont adossées à la définition purement narrative qu’Aristote donne de la tragédie dans l’Art Poétique. Des six éléments constitutifs de la tragédie, parmi lesquels l’intrigue (mûthos) joue le rôle central, Aristote exclut le spectacle et la « création poétique chantée » (melopoiia).
Adoptant une perspective ethnopoétique, on tentera de montrer que la tragédie attique correspond à une performance dramatique rituelle, insérée dans des concours musicaux. Elle anime la culture du chant d’une cité grecque qui a développé différentes formes de poésie chantée appartenant au grand genre du mélos.
Le propos sera illustré par l’un des chants hymniques qui ponctuent l’Ion d’Euripide, envisagé dans sa double pragmatique, interne et externe.

17 NOV..
2017
10h - 00h

Héroïnes de la guérilla et martyres au quotidien

Conférence de Estelle Amy de la Bretèque (CREM-LESC / CNRS) autour des lamentations épiques en kurde kurmanji.

La présentation portera sur l’éthique du sacrifice de soi et sa vocalisation chez les femmes kurdophones du Caucase, d’Anatolie et de Mésopotamie.
Elle s’appuiera pour cela sur des données ethnographiques collectées en Arménie et en
Turquie, ainsi que sur une analyse des vidéos partagées sur les réseaux sociaux.
Et montrera comment un registre vocal spécifique permet d’articuler en kurde kurmanji
la construction de l’héroïsme féminin et les émotions liées au tragique et au sacrifice de soi.

21 NOV..
2017
10h - 12h

La voix, maître des instruments de la musique hindoustanie (Inde du nord)

Ingrid Le Gargasson - Chercheuse associée au Centre de Recherche en Ethnomusicologie (CREM) - LESC Université Paris-Nanterre /CNRS

À partir de sources variées (données ethnographiques, manuels, traités musicaux), cette communication vise à mettre en perspective les caractéristiques attachées à la voix chantée dans le cadre de la musique classique de l’Inde du Nord et notamment du principal genre vocal, le khayāl.

Alors qu’une partie du répertoire instrumental est issue du répertoire vocal, des techniques instrumentales visent, spécifiquement, à imiter l’inflexion de la voix chantée. Ce « style vocal » (gāyakī aṅg), qui s’est développé assez largement sur la scène instrumentale hindoustanie dans la deuxième moitié du 20e siècle, souligne l’importance donnée à la voix.

L’enseignement s’appuie également largement sur le chant. C’est par la transmission orale qui unit le maître et l’élève que toutes les subtilités de la pratique musicale sont transmises.